

Décès de "Pepe" Mujica, l'ex-président uruguayen icône de la gauche en Amérique latine
José "Pepe" Mujica, l'ancien guérillero qui a gouverné l'Uruguay de 2010 à 2015, figure de la gauche latino-américaine et pourfendeur de la surconsommation, est mort mardi à l'âge de 89 ans.
"C'est avec une profonde douleur que nous annonçons que notre camarade Pepe Mujica est décédé. Président, militant, référent et guide", a annoncé sur X en début d'après-midi l'actuel président uruguayen, Yamandu Orsi.
"Pepe" Mujica, surnommé le "président le plus pauvre du monde" pour avoir reversé la quasi-totalité de ses revenus de président à un programme de logement social, avait révélé en début d'année que son cancer de l'œsophage diagnostiqué en mai 2024 s'était propagé et que son corps ne supportait plus les traitements.
"Mon cycle est terminé. Clairement je suis en train de mourir. Le guerrier a droit à son repos", avait-il déclaré.
Jusqu'au bout, l'ancien dirigeant aura œuvré pour la gauche uruguayenne. Érigé en figure de proue du Frente Amplio, la coalition qui a mené la gauche au pouvoir pour la première au pouvoir en 2005 avec Tabaré Vasquez (2005-2010, puis 2015-2020), il a mené la campagne présidentielle de Yamandu Orsi en novembre 2024.
"Il y a quelque chose de doux, un peu comme un cadeau d'adieu", dans la victoire de son héritier politique, avait-il dit dans un entretien avec l'AFP.
La présidence uruguayenne a annoncé la tenue d'une veillée funèbre mercredi au Palais législatif de Montevideo.
Dans la capitale, Carlos Casal, un retraité de 71 ans assis dans un bar qui dit avoir connu M. Mujica, évoque "quelqu'un de bien, humble, travailleur".
- "Humaniste" -
José Mujica "a cru, milité et vécu" pour un monde meilleur, a réagi sur X le Premier ministre espagnol, le socialiste Pedro Sanchez, à l'annonce de sa mort.
En Colombie, le président de gauche Gustavo Petro, lui-même ex-guérillero, a salué un "grand révolutionnaire".
Le Brésil a rendu hommage à "l'un des principaux architectes de l'intégration de l'Amérique du Sud et de l'Amérique latine et, surtout, l'un des humanistes les plus importants de notre époque".
Un hommage repris par la présidente de gauche mexicaine Claudia Sheinbaum, qui a loué un "exemple pour l'Amérique latine et le monde entier" par sa sagesse et sa simplicité.
"Toute l'Amérique latine est en deuil", a affirmé l'ancien président bolivien Evo Morales.
"Merci pour tout le courage que tu nous as donné (...) Adieu Pepe", a pour sa part écrit Jean-Luc Mélenchon, chef de file de La France insoumise (gauche radicale).
Pourfendeur de la surconsommation, M. Mujica a atteint une popularité inédite pour un dirigeant du petit pays de 3,4 millions d'habitants, coincé entre les géants brésilien et argentin.
Sans cravate, il a prononcé à Rio en 2012 un discours retentissant contre le consumérisme lors de la Conférence des Nations unies sur le développement durable.
L'année suivante, à la tribune de l'Assemblée générale de l'ONU, il parlait "amour, solidarité, famille, amitié", s'en prenait au pillage des ressources de la Terre et au "dieu marché".
José Mujica revendiquait ses racines paysannes et recevait dans sa modeste ferme en périphérie de Montevideo, qu'il a refusé d'abandonner durant sa présidence.
Son verbe spontané, sans langue de bois et souvent polémique, lui ont valu des critiques et des faux pas. Comme en avril 2013, quand il ignore qu'un micro est resté ouvert: "Cette vieille est pire que le borgne. Le borgne était plus politique, elle est plus têtue", avait-il dit en référence à Cristina Kirchner, alors présidente de l'Argentine, et à son mari l'ancien président Nestor Kirchner.
- De guérillero à chef d'Etat -
Dans les années 1960, José Mujica fut l'un des fondateurs de la guérilla urbaine d'extrême gauche Mouvement de libération nationale Tupamaros (MLN), active en Uruguay jusqu'en 1972. Blessé par balles en 1970, il est emprisonné pendant toute la dictature (1973-1985) et torturé.
Après sa libération en 1985, il se lance dans la politique et fonde en 1989 le Mouvement de participation populaire (MPP), pilier du Frente Amplio, qu'il dirigera jusqu'à sa mort.
L'ancien guérillero, qui occupa aussi les fonctions de député, sénateur et ministre, a durant son mandat présidentiel bousculé les conventions, promouvant des mesures progressistes pour l'Amérique latine, comme la légalisation du cannabis, une première mondiale en 2013, l'avortement et le mariage homosexuel.
A.Meyers--LiLuX