"J'ai perdu New York": au Canada, la guerre commerciale de Trump asphyxie certaines petites entreprises
En ce début d'hiver, si le carnet de commandes se vide pour l'entreprise canadienne Arctic Snowplows, spécialisée dans les déneigeuses, ce n'est pas faute de neige... mais de clients américains.
Installée en Ontario (centre-est) à proximité de la frontière canado-américaine, cette société vend, depuis des décennies, ses produits en acier aux Etats-Unis "partout où il y a de la neige".
Près d'un an après le début de la guerre commerciale engagée par le président Donald Trump, Arctic Showplows a perdu certains clients, les acheteurs refusant d'assumer le surcoût dû aux nouveaux droits de douane sur l'acier.
"Ajouter 500 dollars au prix d'une déneigeuse à 10.000 dollars, c'est un énorme choc", explique à l'AFP Mike Schulz, président d'Arctic Snowplows.
"Nous ne pouvons pas absorber cela et les clients aux Etats-Unis ne le veulent pas non plus", ajoute-t-il tandis qu'autour de lui les employés s'affairent, fer à souder à la main, dans l'usine de London, à près de 200 kilomètres au sud-ouest de Toronto.
Avec la baisse des ventes aux Etats-Unis, l'entreprise fondée en 1969 s'achemine vers des "temps très incertains", avec des conséquences directes sur l'emploi, a-t-il dit.
- Licenciements -
A l'approche de la deuxième année de l'administration Trump, la majorité des échanges entre les Etats-Unis et le Canada reste exemptée de droits de douane, le président américain continuant à respecter une grande partie de l'actuel accord de libre-échange nord-américain.
Mais le Canada a été particulièrement touché par les tarifs imposés sur certains secteurs comme l'acier, l'aluminium, l'automobile et le bois d'œuvre.
Algoma Steel, l'un des plus grands sidérurgistes du Canada, vient d'annoncer le licenciement de 1.000 employés, en raison des "droits de douane sans précédent imposés par les Etats-Unis".
Le gouverneur de la Banque du Canada, Tiff Macklem, a déclaré la semaine dernière que le protectionnisme américain se traduirait par "des coûts plus élevés et des revenus en baisse" pour les Canadiens. "Ce n'est pas simplement un ralentissement conjoncturel, c'est une transition structurelle", a-t-il ajouté.
Pour faire pièce à cette guerre commerciale initiée par Donald Trump, le Premier ministre canadien Mark Carney mise sur deux axes: l'accroissement du commerce intérieur et la recherche de nouveaux marchés en Asie et en Europe.
- "Prudents" -
Pour Arctic Snowplows, cette stratégie a ses limites. Si l'entreprise a constaté une embellie commerciale du côté du marché intérieur, les ventes au Canada ne représentent qu'une "fraction" de ce que l'entreprise réalise historiquement aux États-Unis.
"Super, j'ai trouvé un revendeur à Saskatoon, mais j'ai perdu New York..., souligne Mike Schulz. J'aime l'aspect patriotique mais le volume n'y est tout simplement pas", ajoute-t-il.
Et pour Kyla Brooks, responsable des ventes, cette stratégie pourrait aussi être à double tranchant. "Nous devons être prudents dans notre message", explique-t-elle. L'entreprise ne peut pas se permettre de perdre ses clients américains restants en poussant trop fort "ce message pro-canadien".
Quant à l'Europe: "Regardez la taille de notre produit. On peut dire: super, on va l'expédier en Europe, raconte Mike Schulz mais si on le fait, ça va faire un trajet en bateau plutôt cher".
Ce dernier est également de plus en plus sceptique vis-à-vis de la stratégie de négociation de M. Carney, élu par les Canadiens pour ses compétences économiques.
Il a choisi ces derniers mois d'annuler la plupart des droits de douane canadiens imposés en représailles sur les importations américaines pour faciliter le dialogue avec les Etats-Unis, mais en vain jusqu'ici. Donald Trump a même cessé toutes les négociations commerciales bilatérales il y a quelques semaines.
Une situation qui "frustre" particulièrement Mike Schulz. La réplique canadienne avait permis de rétablir un équilibre avec ses concurrents américains et c'est aujourd'hui fini. Et, déplore-t-il, il n'y "aucune indication" laissant penser qu'"un accord est imminent".
D.Adrovic--LiLuX