

L'Allemagne dissout un "Royaume" complotiste et extrémiste
Le nouveau gouvernement allemand s'attaque à son tour à l'idéologie complotiste et extrémiste en progression dans le pays, prononçant mardi l'interdiction de "la plus grande organisation" de cette mouvance contestataire accusée "d'attaquer l'ordre démocratique".
Des perquisitions ont été lancées dans sept régions du pays visant l'association "Royaume d'Allemagne", a annoncé le ministère de l'Intérieur à propos de ce groupe comptant environ 6.000 partisans qui "nient l'existence de la République fédérale d'Allemagne et rejettent son système juridique", selon un communiqué.
L'association "Royaume d'Allemagne" ("Königreich Deutschland" ou KRD) est interdite à compter de mardi car "ses objectifs et ses activités sont contraires à la législation pénale et vont à l'encontre de l'ordre constitutionnel", explique le ministère.
Ce groupe aux multiples implantations dans toute l'Allemagne a mis en place depuis 2012 "un +État parallèle+ dans notre pays et bâti des structures relevant de la criminalité économique", a commenté ministre de l'Intérieur, Alexander Dobrindt.
L'interdiction concerne également "les nombreuses organisations affiliées à cette association".
Fondé en 2012 par Peter Fitzek, un ancien professeur de karaté qui s'est autoproclamé roi, le" Königreich Deutschland" a son siège dans l'est de l'Allemagne, près de Wittenberg, une commune située entre Berlin et Leipzig.
- Drapeau et monnaie -
Recevant l'AFP fin 2023, dans un corps de bâtiments rénovés servant de "palais" avec son drapeau, ses lois, sa monnaie et ses cartes d'identité, Peter Fitzek avait expliqué avoir fondé son propre Etat afin de contrer la "manipulation de masse" sévissant à ses yeux dans la société allemande.
Il expliquait accueillir sur différents sites des sympathisants ayant un "esprit pionnier" qui "veulent apporter un changement positif dans ce monde",
M. Fitzek a été interpellé mardi, ainsi que trois autres personnes, dont d'autres membres fondateurs de l'organisation qui depuis une dizaine d'années a mis en place "des structures et des institutions pseudo-étatiques", précise le parquet, créant notamment un système bancaire et d'assurance.
L'opération policière a mobilisé "des centaines de forces de l’ordre" en Allemagne, selon les autorités.
Qualifiés "d'extrémistes dangereux" par le ministère, "Königreich Deutschland" fait partie de la mouvance hétéroclite des "Reichsbürger" ("citoyens du Reich") qui réunit des groupes divers d'adeptes de théories du complot et d'extrême droite ne reconnaissant ni l'autorité de l'Etat, ni la légitimité des institutions.
Beaucoup croient en la pérennité du Reich allemand d'avant la Première Guerre mondiale, sous la forme d'une monarchie. Plusieurs groupes de sympathisants ont décrété la création de leurs propres mini-Etats.
Selon les services allemands du renseignement intérieur, cette mouvance comptait environ 23.000 membres en 2022 dans le pays.
- "Conspirationnistes antisémites" -
Le "Royaume d'Allemagne" est "en expansion" depuis des années, a estimé mardi le ministère de l'Intérieur.
Ces personnes "appuient leur prétention à la souveraineté par des récits conspirationnistes antisémites", ce qui est "intolérable dans un État de droit", a-t-il ajouté.
Le "Royaume d’Allemagne" poursuit également des objectifs lucratifs et mène depuis des années des activités bancaires et d'assurance illégales via ses sous-structures.
Entrée en fonction la semaine dernière, la nouvelle coalition gouvernementale dirigée par le chancelier conservateur Friedrich Merz doit faire face à une progression des idéologies extrémistes de droite.
Le parti d'extrême droite AfD est désormais la première force d'opposition à la chambre des députés après avoir obtenu un score record aux législatives de février.
Sous le précédent gouvernement d'Olaf Scholz, plusieurs organisations de Reichsbürger ont été démantelées, des opérations souvent accompagnées de saisies d'armes.
Le mouvement qui existe depuis les années 80, a pris de l'ampleur avec les restrictions sanitaires liées à la pandémie de Covid-19.
L'affaire la plus spectaculaire liée aux "Citoyens du Reich" a éclaté en décembre 2022. Les autorités ont alors démantelé un groupuscule armé qui s'était fixé l'objectif de renverser les institutions démocratiques du pays.
Parmi eux figuraient un prince, Henri XIII, d'anciens soldats d'élite et une ex-députée d'extrême droite, actuellement en procès.
Un autre groupe a fait les gros titres pour avoir planifié l'enlèvement du ministre de la Santé, Karl Lauterbach, afin de protester contre les restrictions mises en place au moment de la pandémie.
L.Hoffmann--LiLuX