Aux Etats-Unis, l'angoisse des Afghans après le meurtre d'une militaire
Pendant près de 20 ans, des milliers d'Afghans ont travaillé aux côtés des forces américaines dans leur pays en guerre. Pour fuir le retour au pouvoir des talibans, ils se sont vu offrir une nouvelle vie aux Etats-Unis, mais une attaque à Washington a chamboulé leur situation.
Fin novembre, un individu a attaqué des militaires américains en plein coeur de Washington. L'identité de l'auteur présumé, originaire d'Afghanistan, crispe les ressortissants de ce pays installés outre-Atlantique.
"Tout le monde a peur", lâche un Afghan de 31 ans détenteur d'une carte de résident permanent, la fameuse "green card".
"On a peur d'être jugés par les gens pour des crimes commis par un seul individu originaire d'Afghanistan", ajoute-t-il, refusant de donner son nom par crainte d'être identifié par les services de l'immigration.
Au lendemain de l'attaque dans la capitale américaine, qui a tué une militaire de la Garde nationale, Donald Trump a durci sa politique migratoire, suspendant toute demande d'immigration pour les ressortissants de 19 pays, dont l'Afghanistan.
Il a promis de "chasser toute personne qui n'est pas un atout pour les Etats-Unis", de "dénaturaliser les migrants qui nuisent à la tranquillité nationale et d'expulser tout ressortissant étranger qui constitue un fardeau public, un risque pour la sécurité ou qui n'est pas compatible avec la civilisation occidentale".
Toute carte verte délivrée aux citoyens de ces 19 pays sera "réexaminée" et les nouvelles demandes gelées, a aussi annoncé le gouvernement.
"J'ai fait de l'Amérique mon chez-moi. Si je pars d'ici, où pourrais-je bien aller?", s'inquiète Maryam, une Afghane de 27 ans qui a souhaité utiliser un pseudonyme pour protéger son identité.
- Départ en catastrophe -
Maryam a travaillé sur des projets pédagogiques pour l'ambassade américaine de Kaboul, aidant à produire des documents critiques sur les talibans.
"J'avais de grands rêves pour mon pays et moi-même", lance-t-elle depuis sa maison en banlieue de Los Angeles.
Mais en août 2021, les dernières forces armées américaines quittent le pays en catastrophe sous la pression des talibans, qui renversent le gouvernement soutenu par Washington.
Des centaines de milliers d'Afghans qui ont travaillé avec les Etats-Unis cherchent à quitter le pays, terrifiés à l'idée de leur retour au pouvoir et de possibles représailles.
"C'était tellement difficile de se rendre à l'aéroport", se souvient Khan, qui raconte avoir imprimé des dizaines de documents, dont des preuves que sa femme est une citoyenne américaine vivant en Californie.
"Il n'y avait pas d'eau, pas de nourriture, rien. Et on est restés quatre jours là-dedans", ajoute Khan, qui a travaillé dans son pays pour une université et une banque publique.
Il a finalement pu prendre un vol pour le Qatar, puis l'Allemagne, avant de se rendre aux Etats-Unis.
"On remercie sincèrement les Etats-Unis. Ils nous ont vraiment aidés à venir... et à reconstruire notre vie ici."
- "Dévoués à l'Amérique" -
Khan dit avoir travaillé jour et nuit en Californie, cumulant plusieurs emplois pour mettre de l'argent de côté.
Il est aujourd'hui propriétaire d'un concessionnaire automobile, a acheté un trois-pièces dont il loue une partie et a obtenu le statut de résident permanent.
"J'allais demander la citoyenneté (américaine) d'ici la fin décembre mais malheureusement, après l'incident de Washington, tout est mis en pause", regrette-t-il.
"Tout le monde a peur. Que ce soit quelqu'un qui a une carte verte, un +parole status+ (une autorisation temporaire pour rester sur le territoire, ndlr), qui a demandé l'asile, ou quel que soit son statut."
Maryam, qui travaille pour une ONG en Californie, ne souhaite qu'une chose: que sa demande de carte verte soit examinée et ses concitoyens respectés.
"Ce que cette personne a fait ne nous représente pas", lâche-t-elle à propos du meurtrier présumé de l'attaque à Washington.
"Nous sommes tous dévoués à l'Amérique. Nous ne sommes pas des traîtres, nous sommes des survivants."
U.Kremev--LiLuX